Livre : "Des jours sans fin" (2016) de Sebastian Barry
Par
popolyptic
Le 09/12/2021
Le scénario qui nous est proposé semble au premier abord plutôt invraisemblable. L’époque, déjà, si elle nous est vaguement connue sous le nom très romanesque de « conquête de l’ouest » n’évoque pas d’images particulièrement réalistes en notre esprit. Puis les péripéties, rocambolesques, cruelles aussi, souvent fruits du hasard, soulèvent fréquemment plus d’interrogations qu’elles n’en résolvent. Mais à ces deux éléments l’auteur ne se heurte, et en use au contraire pour construire un récit poignant d’espoir - parfois- et de douleur – souvent ; en effet, l’affrontement est omniprésent, tant contre les soldats Fédérés du sud que les Indiens, et les descriptions des batailles particulièrement horrifiantes, tantôt d’humanité, tantôt de bestialité. D’autre part, bien que le protagoniste appartienne à un camps en particulier ( le Nord), Sebastian Barry ne nous laisse jamais la satisfaction d’appliquer sur ces conflits une vision manichéenne du monde : aucun « Bon » n’affronte aucun « Méchant », seul des hommes se font face. Il donne ainsi à son ouvrage la saveur de la vérité historique et se positionne à l’encontre de tous les clichés ; celui du XIXème siècle tout d’abord, qui présente les colons comme des exemples de civilisation face aux « sauvages », et celui beaucoup plus récent, qui assimile les Indiens à des peuples absolument pacifiques.
En inscrivant son récit dans le contexte très particulier de la Guerre de Sécession il aurait été logique que l’auteur évoque longuement l’aspect idéologique du conflit opposant Nord et Sud. Cependant, s’il y fait bien quelques référence, il ne s’y attarde que peu. La véritable réflexion sur la guerre réside finalement dans la notion d’obéissance aux supérieurs hiérarchiques, qu’il y ai partage ou non des idées. Un bon soldat est il aveugle ou doit-il se laisser rattraper par sa conscience et être humain avant tout ? Voilà la question qui a surgi dans mon esprit.
Indirectement, grâce à l’histoire de Wiwona, une jeune Sioux recueillie par le protagoniste et son ami, Sebastian Barry aborde aussi le thème éminemment complexe de l’identité génétique. L’enfant, élevée majoritairement par des Blancs, sentimentalement liée à deux soldats nordistes, peut elle se reconnaître dans ce père biologique qui demande un jour sa restitution ? Est-elle fondamentalement indienne, unie à son peuple par des liens qu’aucune culture n’est en mesure de briser, ou n’est-ce plus qu’une apparence physique ?
Finalement, bien qu’elle soit imprégnée de souffrance, de deuil, de sauvagerie humaine et surtout de guerre, l’histoire de Thomas constitue une parenthèse bienveillante , celle d’un homme qui, peut-être parce qu’il a commis et subi les pires atrocités, s’accepte tel qu’il est.