La Lutte

popolyptic Par Le 20/01/2022 0

Dans Ecrits d'élèves

    

Je cours. Je me bats. Jours après jours, mon ennemi me retrouve. Je me lève. Je me prépare. Les articulations s’échauffent en vue de la bataille. Mon esprit se renforce. Des plaques de fer le protège des coups. Je deviens un surhomme. Je me dépasse pour surpasser mon adversaire. L’entrainement est dur. La sueur scintille sur mon corps. Mon haleine se fait lourde, mon souffle se fait court. J’enchaine les frappes et les crochets, les esquives et les parades. Je suis prêt. Le soleil n’est pas encore levé que je me dirige sur le ring. Lentement, je passe entre les cordes, me positionne dans mon corner. La serviette pend autour de mon cou. Je me pose sur ma chaise et attends mon ennemi. Il ne tarde pas. Je le vois surgir au loin dans la brume de l’aube naissante. Je ne vois que ses contours. Il monte lentement sur le ring, se redresse en face de moi, me défie du regard. Il est grand. Il est fort. Il est plus grand et plus fort qu’hier, qu’avant-hier, ou que le jour d’avant. Ce n’est pas la première fois que nous nous affrontons. Je commence à le connaitre, nous nous connaissons tous les deux, notre combat dure depuis si longtemps. Il
est debout devant moi, dans toute sa splendeur, les muscles tendus, le regard bouillonnant de rage, le souffle brûlant, rauque, âpre. Je n’ai pas besoin de le voir, je le connais, je le sais. Au bruit de ses pas, j’avais deviné sa force décuplée. J’avais reconnu son pas sûr, lourd et régulier. Dès notre première bataille, je savais qu’il n’était pas comme les autres. À notre premier face à face, je savais qu’il serait plus tenace, plus fort, plus résistant que tous ceux que j’avais affronté auparavant. Et aujourd’hui, pour la énième fois, il se présente devant moi. Je sens son souffle porté jusqu’à moi dans l’air glacé du matin. Je me lève. Cette fois encore, je dois gagner. C’est plus qu’une simple question d’honneur. C’est une question de vie. De survie. Ce n’est pas un combat comme les autres que je mène contre lui. C’est un combat à mort. Le premier qui l’emporte tue son adversaire. C’est lui ou moi, moi ou lui. Il n’y a pas d’exæquo possible. Il y a un gagnant, un perdant. Il y a un vivant, il y a un mort. Et personne ne veut mourir. Il se tient là, debout, solide sur ses appuis. Je me positionne. Nous nous observons. Nous nous sentons. Nous nous tournons autour, en attendant le premier coup de gong, le premier rayon du soleil. Le combat sera dur, le combat sera long. Nous le savons tous les deux, nous économisons nos forces. Ce combat sera de longue haleine, et nous n’aurons pas le temps de réfléchir. Nous profitons chacun de ces dernières secondes de répit, pour dire nos dernières prières, nos derniers mots. Pour éloigner la mort et attirer la victoire. Pour rendre notre force et notre détermination supérieure à celle de notre adversaire. Mes yeux se plantent dans les siens, mon corps se calque sur le sien, en garde, campé sur mes appuis. Deux copies parfaites, deux miroirs qui se font faces. Puis la lumière, le premier coup qui part, la première esquive, à la fraction de seconde près, et la riposte, réplique parfaite de l’adversaire. Les poings s’entrechoquent, les corps se répondent. Les coups s’amplifient, la machine est lancée. Les directs contre les crochets renversés. Les uppercuts face aux back-fist, puis esquive, riposte, jab, half-swing, décalage, shift-punch, overhand, blocage et bolo-punch, lead et cross-counter. Les coups s’enchainent et se succèdent à toute vitesse, les coups pleuvent des deux côtés. La riposte est difficile, les coups commencent à toucher, les bleus à se former. La douleur s’insinue lentement dans le corps de l’adversaire, alors que l’esprit a depuis longtemps arrêté de fonctionner. Ce n’est plus la beauté du combat tactique et réfléchi. C’est la sauvagerie de l’animal qui parle dans les coups. La bestialité se déchaine. L’enfer s’installe. Le corps encaisse et rend. Mécanique, précis, instinctif. La lutte acharnée pour la survie. Sonné par la violence et la succession des coups, il faut se relever. Pas le temps de prendre une pause. Détruire ou être détruit, voilà la règle sur ce ring. Tous les coups sont permis, et usés et abusés. Le corps n’est bientôt qu’un amas de nerfs en feu, une boule de chaire meurtrie et bleuie. Des deux côtés, nos coups ne faiblissent pas, et les heures comme le sang s’écoulent. Les os s’effritent sous les impacts. Les gouttes ocres du sang et de la sueur tachent le tissu. Les larmes de la douleur et de la peine déchirent de leur sillon mes joues noircies par les coups. Le soleil avance, s’élève et redescend sans qu’un vainqueur ne se déclare. Je suis épuisé, lui aussi, nous le savons tous les deux, et pourtant la haine que nous nous vouons est toujours aussi forte. Il ne peut y avoir qu’un gagnant, et ce gagnant, ce sera moi. Car rien ne peut briser ma détermination, comme rien ne peut briser sa force. Je me battrai jusqu’au bout, même si je dois finir brisé, comme hier, avant-hier ou les jours d’avant. Je ne me laisserais pas battre. Ma raison et mon moral auront raison de moi-même, auront raison de cet ennemi au même visage. Je me vaincrais, quoiqu’il m’en coute, je ne mourrais pas à cause de ce corps, et sans force, alors que le soir arrive et que le soleil crache ses derniers rayons comme je crache mon sang, je suis toujours debout, fier, meurtris, éreinté et en miettes, mais pas vaincu. Non, alors que le soir s’éteint, je suis toujours là sur le ring, debout face à mon ombre. En lambeaux, défiguré, je me laisse glisser au sol et regarde les étoiles naitre. Je suis toujours là pour les regarder. Je n’ai pas perdu. Mais je n’ai pas gagné. Encore une fois, le combat n’a su me départager. Il reprendra demain. Une nouvelle guerre. Une nouvelle lutte contre moi-même. Une lutte pour la vie. Pour me survivre à moi-même, sur ce ring : mon lit d’hôpital.

Cecil Thymas

Cecil Thymas

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