Livre : "L’autre que l’on adorait" (2016) de Catherine Cusset

popolyptic Par Le 19/03/2021 0

Dans Critiques

L’autre que l’on adorait (2016)
Catherine Cusset, Gallimard

Thomas, professeur émérite de littérature française dans une faculté new-yorkaise, grand amateur de septième art, de musique classique et fervent admirateur de Proust, est retrouvé mort dans son appartement exigu. Il s’est suicidé. C’est à partir de cet événement traumatisant que Catherine Cusset, l’auteure, nous narre l’existence de celui qui fut un temps son amant, puis un ami proche et fidèle. Cette vie, comme le suggère son tragique dénouement, fut ponctuée d’échecs tant sentimentaux que professionnels ; auxquels cet étudiant à la vitalité exubérante devenu un professeur tourmenté n’a su et pu faire face. Par son ton quasi accusateur et cet envahissant tutoiement permanent, Catherine Cusset restitue douloureusement la lente descente aux Enfers de cet « Autre » de toujours, entre alcool, bipolarité,drogues et dépressions successives. L’auteure, dévastée, exprime également un profond sentiment de culpabilité à l’idée que désormais, « il y aurait moins de rire sur la Terre ».

D’un point de vue purement stylistique, Catherine Cusset relève un défi de taille en usant dututoiement. En effet, il agresse presque le lecteur, le rebute, l’incite à se révolter pour finir par l’écraser sous des regrets qui ne sont pas les siens. Cette violence se présente à l’image de la souffrance de la narratrice, à qui la Mort vient d’ôter une sorte d’alter ego.

D’un point de vue moral, ce « tu » se révèle également délicat ; en premier lieu, parce qu’il ré-insuffle la vie à un homme décédé par choix, puis à cause de l’aspect injonctif et intrusif que sous-entend son utilisation : « Tu sais Catherine, les gens ont quand même une vie intérieure. » (p.177)

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